La baie d’Along, la huitième merveille du Monde, le plus grand site karstique de la planète, ses 1969 îles, sa mer d’émeraude, ses jonques aux voiles rouges… Oui tout ça est bel et vrai, mais le problème central tient en deux mots : Along ou Halong ?
La bourgade côtière – qui ressemble de plus en plus à Torremolinos – a pour nom Halong ou plutôt Ha Long, « le dragon qui descend », référence à une sombre histoire d’envahisseurs chinois (ici les envahisseurs sont toujours chinois, question de proximité) et d’un dragon serviable qui est venu prêter main forte aux gens du cru et qui, le contrat rempli, s’est fixé sur cette côte riante. D’où les milliers d’îles en forme d’animal couché ou de pain de sucre.
Ha Long ça se comprend, mais Halong, surtout si on parle de la baie, c’est mauvais pour l’euphonie. Nos français du XIXème siècle, pétris d’humanités latines, étaient très sensibles à l’harmonie des mots et ont adapté le nom en supprimant le H aspiré (« la baie de Halong c’est pas bon ») et ont laissé pour les guides de langue française ce nom souple, sinueux, superbe, la Baie d’Along.
Pour la bourgade, la province et les guides vietnamiens c’est toujours Ha Long.
Comme prévu notre jonque « privée et de luxe » nous attendait.
Heureusement notre embarcadère n’était pas celui de Halong où quelques centaines de jonques chargeaient des groupes de touristes par milliers.
Nous fûmes inquiets quant au calme de la baie, persuadés alors que nous naviguerions autant entre les jonques qu’entre les massifs karstiques.
La baie est si vaste qu’en fin de compte nous n’avons pas dû croiser ou suivre plus d’une dizaine de jonques en 24 heures, dont les 4 autres vaisseaux de notre compagnie au nom plein de nostalgie « Indochine », qui se sont regroupés pour la nuit dans l’abri de la même anse.
L’ensemble est somptueux, souvent hors d’échelle, et, sauf à s’approcher très près de cailloux ou à croiser un pêcheur embarqué, il est difficile d’apprécier exactement la hauteur des îlots parsemés de végétation.
On recenserait 2 à 3000 habitants dans la baie, la plupart en villages flottants comme celui que nous avons visité en sampan.
Le village compte une vingtaine de familles de pêcheurs, quelques chiens (dont on ne sait s’ils gardent la maison ou permettent de varier les menus), des enfants qui vont à l’école, elle aussi flottante, et même un vieil homme, version flottante de nos balayeurs de rue qui, en sampan, pêche à l’épuisette quelques déchets ou sacs en plastique…certainement abandonnés par les touristes!
En rentrant notre jonque, mouillée devant un piton, nous a parue très « luxueuse » comparée au sampan en bambou tressé qui nous avait promenés sous le soleil matinal…
Le retour, encore que légèrement brumeux mais ensoleillé, est toujours aussi beau.
Il est peu fréquent de revenir sans réserve d’un grand « site touristique ».
Celui-ci est l’un d’eux, surtout dans les conditions où nous l’avons vécu et sur lesquelles je reviendrai plus tard.